Bon, c'est vrai, je raisonne en scientifique, ça peut paraître un peu pète-c*uilles parfois …
Pour moi qui veut faire du matériel le plus réaliste possible (en fonction de moyens raisonnables aussi), au point de vue aspect et fonctionnel, mes impératifs, avant de satisfaire notre sens esthétique XXIème siècle, est d'en comprendre les principes techniques et l'usage, pour faire une reproduction cohérente par son efficacité, et semblable aux sources.
Une maille est une armure, sa fonction est de protéger donc d'avoir une certaine résistance, mais elle ne doit pas pénaliser le combattant par son poids, sa rigidité ou d'autres inconvénients. On a quand même pas mal de pièces différentes dans les musées pour se faire une bonne idée de ce qui se faisait, j'avais trouvé des récapitulatifs bien sourcés sur internet (forum des GMA, et divers autres travaux) il y a quelques années. J'ai relancé quelques calculs statistiques dessus ces derniers jours, en voyant l'intérêt et les discussions sur ces projets naissants.
En reprenant ce que j'écrivais ici le 13 juin :
http://archerssirecontet.virtuaboard.com/t688-nouveau-jouetLes caractéristiques des mailles historiques sont très diverses, beaucoup de choix sont crédibles, il n'y a pas de standard type, mais le "nuage" de paramètres reste tout de même dans des limites pratiques. Les premières mailles industrielles "made in china" étaient bien trop aérée (grand diamètre et section fine) pour coller à ce domaine réaliste. De plus, esthétiquement elles étaient vraiment trop transparentes, style filet de pèche. C'est pourquoi j'écrivais que plus la maille est dense comparé à ces reproductions, mieux c'est. Les mailles commerciales actuelles sont vachement plus réalistes, voir ici par ex :
http://www.jmebert.com/23-haubergeonPour le cas présenté dans ce sujet, on est aussi hors domaine, mais de l'autre côté, par excès. Même si c'est plaisant à l’œil, ce n'est pas très réaliste :
Je ne trouve aucun exemple d'armure ayant une telle densité, les seules mailles qui auraient une épaisseur relative comparable se trouvent uniquement dans quelques zones (renfort du col essentiellement) d'un petit nombre d'armures, le reste étant de structure nettement moins dense.
Ça n'enlève rien à mon appréciation de l'esthétique et du travail fourni, que je n'ai pas l'intention de critiquer, mais je dirais pour résumer que cette maille est inutilement lourde et difficile à faire. Vous vous emm*rdez pour rien.
Au point de vue technique, le paramètre que je trouve caractéristique pour étudier une maille, c'est le "rapport de forme" = diamètre intérieur / (diamètre du fil)². Il est directement en relation inverse avec la résistance de la maille, la masse par unité de surface, et la "performance" = résistance / masse, donc les valeurs fonctionnelles d'une armure.
Plus on diminue ce rapport de forme (petit anneau et gros fil), plus l'armure encaisse, plus elle est lourde, et aussi plus elle est performante, l'augmentation de résistance étant plus rapide que celle de la masse.
La limite haute est le poids acceptable pour ne pas pénaliser le porteur. Je pense qu'une armure "opérationnelle" (pas un plastron de parade ou de joute qui ont d'autres impératifs) devait avoir une masse assez modérée, un haubert d'une quinzaine de kg me semble déjà franchement lourd. Avec tout ce qui était emporté, barda, armes, vêtements, on arrive rapidement aux 30 à 35 kg, emport habituel toléré, assez constant au cours des âges. La mobilité est certainement un meilleur atout qu'une armure plus épaisse.
Pour les pièces étudiées, en maille de section ronde ou peu ovalisée, ce "rapport de forme" est dans une plage [3-8] avec une moyenne entre 4 et 5. Bien sûr ce sont des anneaux rivetés ou mixtes rivetés/pleins. Pour une reproduction aboutée, il est nécessaire de limiter ce rapport vers des valeurs plus basses si on ne veut pas voir les anneaux se séparer sous le poids de l'armure, la résistance d'un anneau ouvert étant évidemment bien inférieure à un fermé historique. J'avais estimé qu'en restant dans une plage [2,5-5] en visant les 3 ou 3,5, c'était un bon compromis visuellement réaliste et tout de même assez solide (évaluation pifométrique non garantie).
En application, au niveau du poids, et du nombre d'anneaux pour info :
Je prend l'exemple d'un haubergeon adapté pour ma taille, il représente environ 1,5 m² de maille, de section ronde, en acier doux à 7,80 de densité, et je le calcule avec divers types de mailles.
Pour cet échantillon de mailles historiques, ça me donne une plage [4-13] kg, moyenne à 8,7.
Du côté des reproductions :
Si on prend du 6 / 1,8 mm, rapport de forme 1,85, ça donne 42000 anneaux et 20,3 kg (en 5 / 1,8 mm c'était 1,54, 60000, et 25,4 kg). Le rapport et le poids sont nettement hors domaine fonctionnel.
C'est pourquoi je proposais du fil plus fin, en 6 / 1,2 mm ça donne 4,17 et 8,3 kg, réaliste, et en 6 / 1,5 mm, 2,67 et 13,5 kg, limite lourde.
J'attirais aussi l'attention sur les 60000 anneaux (42000 en 6 mm), de quoi occuper quelquessss soirées, et profiter des soldes sur les doigts de rechange.
En appliquant au 9 mm :
En 9 / 1,5 mm ça nous donne 4,00, 19000 anneaux et 8,4 kg.
En 9 / 1,3 mm, 5,33 et 6,2 kg, poids très correct mais rapport de forme en limite haute pour de l'abouté, la résistance risque d'être juste. J'encourage plutôt à se limiter à des petites pièces comme un camail ou un haubert court pour qu'il n'y ait pas trop de poids qui tire sur les anneaux.
En 9 / 1,8 mm, 2,78 et 12,5 kg, limite lourde.
J'imagine, couper, et plier le 1,8 mm, ça doit donner vite chaud.
En fait, en voyant vos deux projets, échanger les fils entre Marianne et Cécile aurait presque été la solution, du 9 / 1,8 mm et du 6 / 1,3 mm.
*mode pète-c*uilles on*
euh, si le diamètre intérieur est 6 mm et le fil 1,8 mm, l'extérieur devrait faire 9,6 mm ?
*mode pète-c*uilles off*
Je confirme, moi aussi, il y a beaucoup de choses qui me donnent envie. J'ai tellement de projets en cours ou en attente, même avec une activité professionnelle on ne peut plus réduite, je suis débordé...
Je visite les derniers liens, quelques commentaires :
Pour le moyen âge occidental, il vaut mieux s'en tenir au 4 en 1 classique, section ronde ou plate selon l'époque. Les 6 en 1 (ou +), normandes, japonaises, sont inexistantes ou anecdotiques. Bon, c'est vrai, l'aboutée n'est pas crédible non plus dans ce cadre, mais c'est un compromis couramment admis au vu du travail supplémentaire énorme demandé par une rivetée pour si peu de différence visuelle. Si le but n'est pas de combattre avec, la résistance n'est pas une contrainte et ça le fait bien. Le diamètre des anneaux peut aller de 3 (bon courage !) à plus de 10 mm, il faut juste choisir un diamètre de fil en cohérence, comme vu plus haut.
Les indications historiques du 3ème lien sont bien pour donner une idée à un nouveau, mais ne sont pas très précises, l'article regroupe un peu tout ce qui s'est fait en un tout non daté ni situé, il ne suffit pas pour lancer un projet. L'auteur prévient d'ailleurs en l'intitulant "bref historique".