Préparation de fûts de flèches en bois

Première évidence, le bois est un matériau variable. Chaque fût doit être traité comme cas particulier, sauf si on a la chance d'une série venant de la même partie de la même pièce de bois, où l'on peut travailler par groupe. Les bois de coeur et d'aubier sont différents, ce dernier étant moins raide mais parfois plus tolérant, moins cassant.

Un fût de flèche, c'est un peu comme un arc, il subit de grosses flexions à la décoche.
Il doit donc avoir une certaine raideur (module élastique), le spin, adapté à la puissance de l'arc, la longueur du fût et la masse de la pointe. cela se gère par le diamètre ou calibre du fût.
Il doit aussi avoir un seuil de rupture (indépendamment de sa raideur) suffisamment élevé pour permettre cette flexion. Ce paramètre est propre à l'espèce, ce qui élimine certains bois, cassants, à fibres "courtes" pour cet usage. Le frêne, le peuplier, le cèdre, le ramin sont de bons bois pour les flèches, les deux premiers historiques.

Exemple de spins mesurés :
(rappel, le spin évolue selon la puissance 4ème du diamètre. Un bois mesuré à 100 lbs en 10 mm donnerait 210 lbs en 12 mm et 40 lbs en 8 mm)
- hêtre en 10 mm, entre 60 et 120 lbs, typiquement 75 à 95.
- ramin en 12 mm, autour de 220 lbs.
- frêne en 12 mm, la gamme moyenne, homogène, de bois de coeur que j'ai trié parmi nos nouveaux fûts, se situe autour de 170 lbs, on peut trouver un peu plus souple et nettement plus dur.
- frêne, aubier, sensiblement moins raide que le bois de coeur, mais non mesuré.
- frêne en 10 mm, autour de 80- 90 lbs
(Mesure de flexion sous 2 kg entre supports espacés de 66 cm. La déformation, inversement proportionnelle au spin, correspond à 120lbs pour 12 mm)

L'optimisation d'un fût, c'est l'amener au diamètre minimum assurant cette raideur, pour gagner de la masse. L'intérêt évident de réduire la masse est de gagner de la vitesse initiale, donc de la portée, et indirectement réduire la dispersion du tir, grâce à une trajectoire plus droite, plus gérable.

En pratique :
si on tire avec un arc droit de 80 lbs, un fût de 30 " équipée d'une pointe de guerre de 15 g, il faudra en gros un fût adapté pour 105 lbs (compte tenu de la flexibilité accrue du fût plus long et de l'inertie supplémentaire de la pointe)
Partant de frêne 12 mm spinné à 170 lbs, on peut le réduire à 12*(105/170)^(1/4), soit 10,5 mm, et donc un gain de 10 g sur une flèche de 65 g !
Un peu d'huile de coude qui est largement justifiée par le résultat !

On peut pousser plus loin l'optimisation en donnant un profil en fuseau assymétrique. Cela permet une meilleur répartition de la résistance (comme pour un arc, forcément plus épais à la poignée qu'aux poupées), et donc une masse encore réduite pour le même spin. De plus ce profil est meilleur aérodynamiquement parlant qu'un simple cylindre. Cette méthode est avérée historiquement, apparemment très peu de fûts étaient de diamètre constant. C'était connu, par expérience, sans théorie complexe de RDM. Evidemment, cela demande un travail un peu plus long, et demande une mesure de flexion pour contrôler (pas de calcul simple disponible). Mais on obtient une flèche techniquement optimale qui restitue le meilleur de l'arc, et surtout plus proche des réalisations historiques.

Nos anciens jouaient sur le comportement de la flèche par ce moyen :
une pointe lourde, un fuseau dont l'épaisseur maximale est très décentrée vers l'avant (un cone en gros), donnera une flèche très "plongeante", retombant selon un angle proche de la verticale en tir balistique, idéale pour le tir de barrage sur une troupe adverse. (Les deux lames lourdes que j'ai monté sur ce modèle confirment ce comportement, même à distance plus courte)
Au contraire, une pointe légère, un fuseau symétrique, (et un empennage réduit), fourniront un vol très long, planant, adapté pour un tir de harcèlement à portée augmentée, genre "volet".

Pour la majorité de mes futures flèches, j'envisage une épaisseur maximale conservée à 12 mm à 1/3 du fût, réduite progressivement à 10 mm à l'encoche, et au diamètre de la douille à l'avant. ça devrait être adapté pour mon nouvel arc, moyennant quelques ajustements selon les mesures de contrôle. Je compléterai avec quelques exemplaires de volets et de flèches lourdes sur ce principe.

Voilà, j'espère que ça pourra servir, bon courage !
A vous d'adapter selon l'allonge, la puissance de l'arc, je peux vous renseigner au cas par cas. Ce serais dommage de tirer du 12 mm plein sur un arc de 45 lbs, autant rouler avec le frein à main serré.

<BLOCKQUOTE id=742f3339>Ca fait plaisir d'entendre de belles notes de musique: Des facteurs de flèches, d'arcs ou autre, qui font parler leur coeur, en concevant de beaux armements, fidèles aux normes d'époque.
Je pense qu'avec la cargaison de fûts récemment obtenus, on va pouvoir, chacun selon la force de l'arc qu'il maîtrise correctement, pouvoir fabriquer de belles flèches qui seront de fidèles repro (modernes, soit) de ce qui était tiré à l'époque.

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Patrick des Noires Forêts des Vosges.
Archer un jour, archer toujours. </BLOCKQUOTE>

Voila, la phase pratique est lancée. Je viens de profiler un fût comme indiqué, méthode perceuse et papier de verre, plus pratique que la plane ou le rabot pour enlever si peu de bois. C'est un peu long, mais c'est un plaisir de travailler avec cette qualité.

On doit pouvoir affiner précisément le spin avec cette méthode, en attaquant pas trop fort entre les contrôles, au moins sur les premiers fûts, le temps de se calibrer.